Le rationnel ou l'irrationnel...

du traitement par l'art

Mon point de vue sur le sujet

11e Congrès d’INTERVOICE - 11-13 novembre 2019 - Montréal

OSER – PARTICIPER – TRANSFORMER : s’approprier le changement.

Croire en l'autre à travers son art.

Sublimer, surmonter et surpasser avec foliARt.org

La créativité et la santé mentale

Il y a des aspects positifs à la psychose et aux autres symptômes des troubles mentaux. Ce n'est pas un hasard que l'angoisse et mélancolie sont d'excellents moteurs de créativité, que beaucoup d'artistes ont été les plus productifs durant leurs moments les plus difficiles.

De récentes études le montrent: Polygenic risk scores for schizophrenia and bipolar disorder predict creativity


À la redécouverte des aspects positifs de la psychose pour mieux gérer ses symptômes et mieux accepter sa condition

L'apparition d'un état psychotique et la "prise en charge" par le système de santé garantit souvent la polarisation des conversations autour des aspects négatifs liés à la condition: "quels sont tes symptômes?, qu'est ce qui te stresse? qu'est-ce qui te dérange? Qu'est-ce qui t'empêche de fonctionner?" La démarche d'évaluation médicale et de suivi classique selon le modèle médical est qu'il faut éliminer ce qui est "pathologique" et qui a fait obstacle au bien-être du patient. Ceci est évidemment indispensable durant la phase de stabilisation de l'épisode aiguë de la maladie, mais est moins utile, voire parfois délétère, lorsque cet objectif d'éradication simple des symptômes est appliqué à tout le suivi vers le rétablissement qui est bien plus que la stabilisation de la personne. Lorsqu'il n'y a plus de crise, plus d'urgence d'intervention médicale, c'est le moment de réévaluer les signes et symptômes pour déterminer leur raison-d'être, peut-etre même leur valeur et leur utilité dans le contexte unique de la personne. Autrement dit, les symptômes seraient révélateurs de l'être, permet ou faciliterait la démarche diagnostique de la psychologie et/ou des objectifs existentiels de la personne. Sans être aussi utiles, les symptômes pourraient simplement aussi être une expression artistique qui n'attend qu'à être canalisée, organisée, mise sur papier/toile/disque/internet...

Ne pas faire preuve d'ouverture d'esprit face aux signes et symptômes peut mener à un archarnement thérapeutique et pharmacologique risqué: induire un sentiment de désespoir autant chez le clinicien que chez la personne lorsque la médecine ne donne pas les résultats expérés: colère; accumulation d'effets secondaires paralèlement à la polypharmacie, etc... Or les symptômes, quoique très souvent atténuables, sont parfois irrémédiables. À la longue, n'attribuer qu'une valence négatives aux "symptômes", on inculque la fausse idée à la personne qu'elle est impuissante et victime de sa biologie défaillante en plus de leur faire croire que leur façon d'être particulière, leurs pensées et automatismes mentaux (interprétations particulières, hallucinations, etc..) sont mauvais... Mais est-ce vraiment le cas?

Et si ces automatismes mentaux étaient vus comme une "muse" pour ces personnes, une génératrice intarissable d'inspiration et d’émerveillement en autant que ces expériences, aussi "bizarres et étranges" soient-elles, ne sont pas négatives et ne vont pas à l'encontre des valeurs de la personne? Et si ces signes et symptômes enseignaient la personne sur elle-même, lui permettaient d'apprendre quelque chose d'utile sur son passé, son présent, son futur? Et si c'était une source de créativité? Ces hypothèses ne sont évaluables que si l'équipe de soins et l'entourage de la personne croient en une telle possibilité et perspective nouvelle. Il s'agit ensuite d'inculquer, de diffuser cette pensée qu'il y a peut-être quelque chose de bon à avoir "l'aptitude ou le don" de la psychose, et non pas la "vulnérabilité ou la fragilité" lié à sa "malchance" d'avoir eu une psychose.

Tout à l'opposé, le professionnel de la santé qui encourage l'expression particulière de son patient démontre à celui-ci qu'il croit en lui, en la personne et non la maladie, qu'il prend moins en importance ces "symptômes" en autant qu'il n'y a pas d'urgence médicale. En retour, la personne retient qu'il peut à son tour aussi avoir confiance en son aidant, que ce qui semble anormal ou aberrant au départ ne débouchera pas en hospitalisation ou en ajustement systématique du traitement, mais en un encouragement dans une expression encore plus libre de son vécu. Une telle approche quasi paradoxale aux yeux de la personne, soulage de l'antagonisme naturel entre le patient et son intervenant de par son histoire de soins. Moins d'antagonisme, signifie aussi moins de méfiance, moins de "vécu inacceptable" et réprimé, moins de préoccupation, moins détresse et moins de symptôme. Valoriser l'art devient donc une thérapie en plus de favoriser cette si chère alliance thérapeutique et coopération.

Si changer la vision et la philosophie de soins n'est pas facile pour les professionnels de la santé, changer la perspective des patients sur ce qu'ils croient que leurs intervenants penseraient de la "sublimation" de leur symptômes est un véritable défi. Pour y arriver, nous proposons souvent aux patients de prendre le temps de redécouvrir les aspects positifs de leur vécu psychotique. Un bon exercice peut être l'étude de l'art et le rétablissement à travers les cultures. Le Kintsugi est une bon exemple.


Sublimer pour ne pas Subir pour qu'un Tourment devienne un Tableau

Mr C

Beauté et perfection? La philosophie du Kintsugi

Le Kintsugi (Japon), ou l’art de sublimer les blessures… La voie du Kintsugi peut être vue comme une forme d’art-thérapie, vous invitant à transcender vos épreuves et transformer votre propre plomb en or. Il vous rappelle que vos cicatrices, qu’elles soient visibles ou invisibles, sont la preuve que vous avez surmonté vos difficultés. En matérialisant votre histoire, elles disent : « tu as survécu ! » et vous apportent un supplément d’âme.


Céline Santini, Kintsugi, L'art de la résilience, Paris, Editions First, 19 avril 2018, 248 p., p. 9,10, 241)

Le filon d'or du Kintsugi

Si le Kintsugi symbolise la résilence, la découverte d'une beauté autre dans la fragilité de l'être à travers sa réparation, son art ressemble étrangement à un filon d'or. Voir au-delà de la "pathologie" c'est réaliser qu'il y a peut-être là un filon d'or exploiter...


La thérapie narrative: l'écriture qui soulage, qui crée et donne un sens...

La plume est certainement plus forte que l'épée en thérapie. Rédiger factuellement ou romancer son histoire c'est y donner un sens, réorganiser son vécu, le digérer, pour la faire évoluer en idées, dans ses pensées et vaincre ses fantômes. Ainsi la plume transcende. Ensuite, partager son histoire permet de ne plus se stigmatiser et, au contraire, possiblement venir en aide à d'autres gens qui auraient les mêmes difficultés que soi. Dès lors, aider les autres devient une aide à soi-même... L'expression devient une sublimation.

Nous encourageons nos patients à catalyser leurs démarches vers le rétablissement en partageant leur histoire ici, en prose, poèmes, peintures, musique, montages vidéos, scrapbooking, etc..


Discussion par courriels avec une écrivaine sur la psychose et l'art (mai 2018)

Bonjour Dr Minh,

J’ai une question pour vous :

Serait-il possible que certains de vos patients en état de psychose aient leurs sens tellement développés (hypersensibilité sensitive) qu’ils arrivent à percevoir certaines choses que vous, et la plupart des gens êtes incapables de percevoir?

Un gros merci!

À bientôt!

Oui c'est exactement ca! Entre les "épisodes" de psychose tel que definies pas la science, les personnes sont également plus créatifs ou "perceptifs". Lorsque perçu négativement les pensées récurrentes sont appelées des "préoccupations", positivement, c'est de l'inspiration.

Je précise ma question :

Pendant un élan créatif, plusieurs de mes collègues écrivains vivant la même chose pourraient vous le confirmer, j’ai l’impression que ce n’est pas moi qui invente l’histoire. Comme si quelqu’un d’autre me la soufflait à l’oreille et que je ne faisais que taper les mots. Ça dure parfois assez longtemps pour que j’en oublie de manger, et quand ça se termine, j’ai l’impression de me réveiller d’une sorte de rêve. (Ça se produit moins facilement avec la médication)

Comment expliquer le phénomène? Psychose? Transe? Folie?

Pensez-vous que le fait d’être hypersensible et très réceptif, puisse donner accès à d’autres dimensions, d’autres réalités?

Ça fait longtemps que j’ai envie de vous poser cette question.

J’ai une amie artiste peintre qui vit ça aussi.

Un gros merci!

Bonjour Mme ---------------

La réponse à votre question devrait selon moi beaucoup plus être puisée dans le vécu expérientiel – comme ce que vous et votre collègue décrivez - que dans la science qui ne peut pas ou n’est pas encore prêt à expliquer à part quelques articles très intéressants comme celui-ci Polygenic risk scores for schizophrenia and bipolar disorder predict creativity. Ce sujet très avant-gardiste devrait davantage se développer dans les prochaines années.

Voilà comment la sémantique, liée à la conception des troubles mentaux, rejoint la médecine et comment le tout a un impact sur la perception de la personne et de la société sur les troubles mentaux, donc sur la stigmatisation de ces troubles. Voir dans la maladie mentale un côté positif, c’est tout comme transformer le plomb en or, permettre à un handicap de devenir un don, rendre les idées négatives et les voix dénigrantes en paroles inspirantes et constructives comme dans votre situation. En psychologie, on appelle ça la sublimation.

Le sens des mots pour décrire l’expérience :

NÉGATIF ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- > POSITIF

Folie - Psychose - Phénomènes inhabituelles - Transe - Hypersensibilité perceptuelle - Inspiration/Interprétation


Changer de perspective aide à donner de l’espoir… il n’y a rien de nouveau là, c’est la prémisse de la psychothérapie. L’art a par contre, selon moi, un énorme avantage sur la psychothérapie puisqu’il est beaucoup plus accessible ne nécessitant pas de dialogue en direct ni le parfait fonctionnement de l’appareil cognitif/verbal qui est souvent affecté par la maladie psychotique et autres troubles mentaux.

Vous voyez ma pensée sur le sujet. Je vais vous demander si vous me permettez de publier cette conversation directement sur le web en altérant tous indices pouvant vous identifier. Ceci permettrait de répondre aux interrogations d’autres gens sur le sujet.

Merci et bonne suite dans vos réflexions!

Vous avez ma permission de publier la conversation, avec plaisir.

Et merci d’avoir répondu à ma question. Votre point de vue est très intéressant.

Bonne et belle journée à vous,

Témoignages

Par moment, j'ai des millions d'idées, il s'agit de les capter, tout bouillonne. Je prends une idée et je la développe au maximum. Je vais jusqu'au plus profond de cette idée. Par exemple, cette filière jaune que je vois dans votre bureau, je l'imagine comme un soleil. J'ai déjà une dizaine de textes d'écrits que j'ai demandé à ma sœur, traductrice, de relire. Elle dit que les mots sont mal employés. C'est justement l'idée, c'est l'art de la chose.

Sortir de la torpeur d'un épisode de la maladie: j'ai alors l'impression de prendre la première bouffée d'air après être passé proche de me noyer. Réussir à m'en sortir augmente ma confiance à m'en sortir lors des prochains épisodes. Me concentrer de façon consciente sur certaines situations et me laisser m'emporter dans mes idées devient comme le meilleur traitement sur le moment, me soulage de mes difficultés du moment. (LESR, mars 2019)